Rencontre avec Emilie GLEASON

Le mercredi 4 mars 2020, la classe de 2nde 2 du lycée Saint Charles à Marseille a rencontré Emilie GLEASON, auteure de « Ted drôle de coco »

Rencontre avec Emilie GLEASON auteure de Ted drôle de coco

Réponses recueillies et transcrites par Margaux Bielle, 2nde 2

  • Pourquoi a-t-elle choisi ce type de dessin ?
    Ce style est son style de dessin et faire des dessins caricaturaux permet de transporter les gens dans un autre univers. Ses dessins se prêtent particulièrement bien pour Ted drôle de coco
  • Pourquoi les couleurs sont-elles si joyeuses pour une histoire aussi triste ?
    Tout d’abord pour que le livre ne soit pas trop déprimant à lire (et pour éviter le suicide des lecteurs selon ses dires) ensuite, imprimer en couleurs est un peu son rêve depuis toutes petite, elle adore la couleur.
  • Pourquoi a-t-elle choisi de faire une bande dessinée et non un roman ?
    Tout d’abord car Emilie GLEASON se décrit comme ’nulle en narration’ (raison du découpage en 5 épisodes de la BD). Ensuite elle trouve que la BD est un médium génial car c’est super visuel.
  • Pourquoi a-t-elle choisi une ambiance oppressante ?
    A cause de l’autisme, elle voulait quelque chose de dramatique pour le lecteur afin de faire un ascenseur émotionnel.
  • Est-ce que le fait qu’il y ait 2 personnages qui s’appellent Mariam est là pour accentuer l’autisme ?
    Elle aime beaucoup ce prénom et cela permet en effet de faire comprendre la façon de raisonner des autistes.
  • Pourquoi a-t-elle choisi d’attendre pour dévoiler l’autisme de Ted ?
    Afin qu’il n’y ait pas d’étiquettes et d’idées reçues et pour que le roman soit plus cool.
  • Pourquoi fait-elle mourir Ted d’une façon si tragique ?
    S’il n’y a pas de drame, ça ne marche pas. De plus les médicaments donnés par les médecins à son frère l’ont rendu totalement légume, cette mort peut donc aussi être perçue comme une fin métaphorique.
  • Pourquoi avoir fait revenir si souvent la question de la sexualité ?
    Car la sexualité est un sujet qui n’est inné pour personne et encore moins pour les personnes autistes. Comprendre le principe de sexualité peut être très compliqué.
  • Pourquoi Ted n’a-t-il pas de visage ?
    Car Ted (représentation de son frère) ne connaît pas les visages en colère, triste... car pour une personne autiste reconnaître les émotions peut être très compliqué. Emilie GLEASON raconte que son frère a dû prendre des cours de théâtre pour comprendre les émotions.
  • Pourquoi ses parents l’ont-ils amené à l’hôpital ?
    Car lorsque Ted fait des crises, il devient dangereux pour lui et pour les gens autour.
  • Comment a-t-elle réussi à retracer les émotions d’un autiste alors qu’elle ne l’est pas ?
    Elle s’est beaucoup posé la question et ne se sentait pas forcément légitime. Elle a, à certains moments, voulu arrêter, mais des personnes atteintes du syndrome d’asperger l’ont soutenue via Tumler (application de BD) en disant que cela reflétait bien leur manière de voir les choses. Elle a beaucoup observé son frère et essayé de comprendre sa façon de penser. A une époque, elle avait une liste de toutes les anecdotes qu’elle avait vécues avec son frère.
  • Pourquoi avoir raconté l’histoire de son petit frère ?
    A l’époque où son frère faisait beaucoup de crises, ses parents se sont séparés ’à cause’ de lui. Elle devait rendre un travail de fin d’étude et a donc décidé d’écrire sur son frère.
  • Quels sont les éléments vrais de ce roman graphique ?
    Tout est vrai sauf le passage de la mort du chien, du transsexuel ; et la mort de son frère n’est qu’une métaphore car son frère est toujours vivant.
  • Est-ce que cela l’a gênée d’écrire sur sa vie privée ?
    Ce livre n’est selon elle pas une autobiographie ; en effet elle ne se représente presque pas. Avec ce livre, elle souhaite que les gens se reconnaissent à travers Ted.
  • Comment son frère a-t-il réagi à la sortie du roman graphique ?
    Il l’a trouvé bien.
  • Est-ce que son frère s’est reconnu durant la lecture ? (Anouk)
    Il s’est beaucoup retrouvé dans TED. ’Mon petit frère a mis 15 jours pour lire mon roman graphique avec l’aide de ma mère. Au bout de ces 15 jours, ma mère m’a envoyé un message vocal pour me dire qu’il s’était beaucoup reconnu au travers de TED, malgré le fait que les éléments ne sont pas tous vrais.’
  • Est-elle engagée dans la cause pour l’autisme ?
    Pas du tout.
  • Veut-elle faire une suite ?
    Non. Par contre elle prépare un film d’animation, mais cela demande du temps et une cinquantaine de personnes.
  • Quelles sont ses inspirations ?
    Principalement les opéra rock et les comédies musicales. Elle adore aussi les dessins animés et ses auteurs préférés dans le monde de la BD sont Edika et Fred (’Philémon’).
  • Peut-on vivre de la BD ?
    Non, à moins de signer chez Casterman, il est très compliqué de vivre de cet art. En effet il y a 5000 BD qui paraissent par ans, elles restent donc peu de temps en boutique.

Avant elle était relation presse pour une maison d’édition ; mais elle a arrêté ce travail, car elle a la phobie de parler à des gens au téléphone. Aujourd’hui, elle peut vivre grâce au dessin mais pas grâce à ses BD. Elle fait des dessins pour les enfants (ce qui l’amuse beaucoup car elle peut dessiner des avocats qui pètent sur des clowns sans que cela ne pose aucun problème), pour la presse, et récemment un sportif lui a demandé de faire sa biographie mais cela l’ennuie profondément.

  • Depuis quand dessine-t-elle ?
    Elle dessine depuis toujours car elle a toujours été nulle à l’école.
  • Aujourd’hui son frère a-t-il réussi à s’intégrer ?
    Non, mais a une époque, il avait une copine et une amie. Malheureusement pour lui, ses parents ont déménagé avec lui aux États-Unis. Aujourd’hui il apprend l’anglais avec un professeur d’anglais spécialisé pour les personnes asperger.
  • A quoi ressemble une crise ?
    Lors d’une crise, son frère griffe, hurle et se jette au sol et comme il est grand, il faut au moins trois personnes de grandes tailles pour le tenir.
  • Est-elle donc contre la médecine ?
    A moitié ; certains médecins ont accusé sa mère ou ont dit que l’autisme était une mode. Dans le cas de son frère, elle leur en veut d’avoir voulu le rendre normal. Elle pense que les médicaments comme le doliprane sont très bien, mais que la surmédicalisation est une énorme erreur car c’est ce qui a rendu son frère légume.

Éléments complémentaires :

Les deux pages avec la famille n’ont été écrites que pour qu’Emilie écrive ce qu’elle n’a jamais réussi à dire dans la vraie vie. Le texte explicatif de fin n’a été écrit qu’à la demande de son éditeur. La double page dessinée, pour elle, était celle du harcèlement, car cela s’est vraiment passé ; son frère se faisait frapper, mais comme les personnes qui le persécutaient étaient les seules personnes à lui parler, il pensait que c’étaient ses amis. Emilie GLEASON en a longtemps voulu à son frère, car involontairement, il faisait du mal à ses parents. La BD lui a permis de mieux comprendre son frère et son frère lui a appris à s’accepter comme elle est, et à comprendre que la norme n’est peut-être pas une bonne chose. En effet son frère allait beaucoup mieux avant de prendre des tonnes de médicaments pour ’devenir normal’.

Elle a eu une ’période sombre’ durant laquelle elle était mi-punk, mi-gothique (mais habillée en kaki) ou encore avec les cheveux rasés. Elle était dans cette période à cause des médicaments pour son acné. Elle s’en est sortie grâce au positivisme et son but dans la vie est de faire rire les gens et d’être un rayon de soleil. Elle est également anti lobbyiste, particulièrement contre les lobbys du sucre (elle a arrêté le sucre et a perdu son acné et 9 kg en 2 mois).