Espèces de Boucs : compagnie Peanuts

Espèces de boucs compagnie Peanuts

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« Espèces de boucs : les ateliers du bouc émissaire » est l’intitulé d’une action éducative du Conseil Général proposée à nos cinq classes de 5° par la compagnie théâtrale Peanuts. Depuis sa création en 2007, la compagnie explore les mécanismes de violences et d’exclusions au travers de lectures théâtralisées, d’ateliers d’écriture et de théâtre. Elle permet ainsi de conduire un travail de sensibilisation à toutes les formes de discrimination et de racisme. C’est pourquoi cette action a reçu le label UNESCO-Camp des Milles. Elle est animée par deux metteurs en scène et comédiens : Emilie Martinez et Magdi Rejichi pour chaque classe pendant toute une journée.
D’abord, dans un premier temps, les deux comédiens font une lecture théâtralisée d’un conte suivie d’un débat, ensuite dans un second temps, la classe est divisée en deux pour écrire et pour finir les élèves participent à un atelier théâtre.

La lecture théâtralisée est celle d’un conte du fabuliste indien Bidpaï qui inspira Esope et Jean de la Fontaine pour leurs fables animalières, une fable vieille de plus de 2200 ans revisitée par Ramsay Wood. Elle s’intitule le chameau, le lion, le léopard, le corbeau et le chacal.Elle commence ainsi :
"Il était une fois un jeune chameau malade (...) recueilli par un lion qui, en tant que roi, avait à cœur d’être tenu pour juste et bon (...). Tout allait bien, et le temps passait comme coule la rosée sur la feuille. Jusqu’au jour où……. le lion fut blessé par un énorme éléphant mâle.
A la fin, du conte, le chameau pour permettre la survie de tous, se sacrifie, le lion son protecteur, détourne la tête.
Après la lecture, les élèves sont invités à réfléchir aux mécanismes de violence et d’exclusion qui perdurent dans nos sociétés et qui consistent à désigner ou à être désigné bouc émissaire. Pour nourrir leur réflexion, d’une manière pédagogique, les comédiens font appel aux analyses de l’anthropologue René Girard. Dans tous ses écrits, il cherche à répondre à deux questions :d’où naît la violence ? Comment expliquer que cette violence n’entraîne pas la destruction de nos sociétés ?
l’origine de la violence est liée au désir mimétique, au désir d’imiter ce que l’autre désire, de posséder ce que possède autrui. Ainsi le désir est triangulaire, il naît et se nourrit de l’imitation.
Le désir mimétique explique la violence de nos sociétés depuis la nuit des temps. Le bouc émissaire est dans nos sociétés le souffre douleur, il permet de libérer l’agressivité, de ressouder la communauté autour d’une paix retrouvée : de passer de tous contre tous à tous contre un.

Ainsi le sens figuré de bouc émissaire n’est pas très éloigné du sens premier religieux : le sacrifice d’un animal pour expier les pêchés. L’animal ou l’homme joue le rôle de fusible. Comme dans la fable, le bouc émissaire endosse sans protester la responsabilité collective qu’on lui impute. Le choix du bouc émissaire ne se fait pas au hasard, il doit répondre à trois ou quatre critères.
-Il est remarquable dans le sens où il se distingue du groupe, il se remarque
 Le groupe est convaincu de la responsabilité du bouc émissaire
 La fabrication du bouc émissaire est inconsciente

Dans la fable de Bidpaï, le chameau est remarquable. I l a une culture différente, c’est un végétarien, une bête de somme alors que le léopard, le chacal et le corbeau peuvent être considérés comme les conseillers du roi.

Après la lecture, la classe a été divisée en deux pour écrire.
Comme un bouc émissaire n’est jamais choisi au hasard, comme c’est toujours celui qui est le plus distant par rapport au groupe, les élèves dans un premier temps ont listé quatre ou cinq critères en lien avec le bouc émissaire puis ils ont rédigé un texte dans lequel ils se sont mis dans la peau d’un bouc émissaire du lever jusqu’à la récréation du matin.
Très souvent, le bouc émissaire choisi se distingue du groupe par son apparence physique. Il est mis à l’écart parce qu’il est considéré comme trop petit ou trop grand, trop gros ou trop maigre parce qu’il a des cheveux frisés et qu’il a une couleur de peau différente. Il est également rejeté si sa tenue vestimentaire n’est pas à la mode, il est important pour être dans la norme, de porter des habits de marque et de pouvoir en changer souvent . Sur le plan scolaire, le très bon élève est mis à l’index. Il en est de même pour tous ceux qui trop timides ne savent pas se défendre ou qui sont trop pessimistes. Pour tous ces élèves qui ne rentrent dans le moule du collégien lamda, une journée peut se transformer en véritable cauchemar. Se préparer le matin est un véritable parcours du combattant. Le bouc émissaire a « un mental triste », la « boule au ventre », n’ arrive pas à se lever, ne supporte pas l’image que le miroir lui renvoie, a des difficultés à choisir ses habits. Pour ne pas se retrouver face aux autres, il multiplie les stratégies d’évitement : en arrivant à la dernière minute au collège, ou encore en retard, en se réfugiant aux toilettes ou encore à l’infirmerie. Il est victime de moqueries, d’insultes dans les couloirs : « Oh pardon je ne t’avais pas vu, tu as la même taille que celle de mon sac. Même pendant les cours, il n’est pas serein. Il n’est pas rare qu’il reçoive des stylos, des boulettes de papier. Il est souvent assis tout seul, au premier rang. Pendant la récréation, aux moqueries peuvent se rajouter des coups, des actes d’intimidation. On l’encercle, le menace, on oblige le bon élève, traité de » payot », « d’intello » à donner les bonnes réponses
Face aux menaces et aux insultes, il se tait, il est rarement protégé par un ou une amie. Il rêve d’en parler à son père ou sa mère mais seulement en rêve, en réalité, il garde le silence.
Les textes ont été rédigés d’une manière anonyme puis ont été lus.
Ensuite dans un second temps consacré à l’écriture, par une dizaine de phrases commençant par :
Moi , je………………
Les autres,……
les élèves ont progressivement dessiné leur autoportrait.

"Moi j’aime lire des livres
les autres aiment la télé
Moi j’aime écrire
Les autres aiment pianoter sur ordinateur
Moi j’aime le silence
Les autres aiment le bruit
Moi, j’aime aller au restaurant
les autres aiment faire la fête
Moi, j’aime sortir
Les autres aiment rester à la maison
Moi, j’aime la danse
les autres aiment le foot "

L’après-midi, la classe a participé à un atelier théâtre d’abord en classe entière, puis en demi-groupe et pour finir pour se retrouver en classe entière.Un des deux groupes représentait les villageois alors qu’un second groupe représentait celui du bouc émissaire.
Dans le groupe des villageois, chaque élève devait écrire une phrase autour d’un mot rejet en y associant un sentiment, un fruit ou un légume et un mobilier. Une fois la phrase lue, les autres villageois devaient la répéter en imitant gestes et intonations.
Les deux groupes réunis, le résultat est très souvent loufoque faisant penser à bien des égards à un cadavre exquis.

« Tu pues des pieds comme une pauvre carotte joyeuse laissée sur une table
Danger, danger , danger…,cœur des pleureurs…...Tu dis que je pue des pieds parce que tu as envie d’être gentille »

« Tu ne regardes jamais en face comme une betterave, molle sans goût ….
Danger, danger , danger…,cœur des pleureurs… Tu dis que je ne regarde pas en face parce que tu as envie d’être beau »

Tu es menteur comme une aubergine oubliée sur la table de la cuisine…
Danger, danger , danger…,cœur des pleureurs… Tu dis que que je suis menteur parce que tu as envie d’être rusé."