Le camp des Milles, un lieu de mémoire

Le camp des Milles, un lieu de mémoire

Le camp des Milles, un lieu de mémoire

Tous les élèves de troisième du collège Pierre Matraja se sont rendus mardi 6 et jeudi 8 décembre 2022 sur le Site-mémorial du camp des Milles pour une visite culturelle en rapport avec le programme d’histoire. Depuis dix ans, ce lieu est un témoin de la tragique période de la seconde guerre mondiale. Le devoir de mémoire est essentiel : nous devons l’entretenir en luttant contre les intolérances.

Seul grand camp français d’internement et de déportation encore intact, le Camp des Milles est accessible au public depuis son inauguration fin 2012 par Jean-Marc Ayault, en présence de représentants diplomatiques de 32 pays, le jour du 70e anniversaire du dernier convoi de déportation parti de ce camp vers la mort d’Auschwitz-Birkeneau. Situé dans la commune d’Aix-les-Milles, ce camp est devenu aujourd’hui un musée accueillant cent mille visiteurs par an. Quelques dix mille individus de 39 nationalités y ont transité, parmi lesquels deux mille cinq cents juifs ont été déportés aux camps de concentration et d’extermination polonais d’Auswitch-Birkenau.

Ce bâtiment a été autrefois une fabrique de tuiles et de briques qui a fait faillite et a fermé en 1937, suite à la crise économique. En 1939, lorsque la guerre a éclaté, cette usine a été transformée en un des camps les plus redoutés du sud de la France.

Cet endroit a connu trois périodes essentielles :

 de septembre 1939 à juin 1940 : il a été un camp d’internement pour les « ennemis ». Le gouvernement français sous la troisième République a pris la décision d’interner les ressortissants du Reich, Allemands et Autrichiens, considérés comme une menace pour le pays. Beaucoup d’entre eux se sont exilés en France pour fuir la politique nazie, instaurée par Adolf Hitler, qui sévissait en Allemagne.

 de juillet 1940 à juillet 1942 : ce camp sous le régime de Vichy a été destiné aux « indésirables », c’est-à-dire à ces étrangers venus de pays voisins dont le but était d’échapper à la guerre. Deux choix se sont imposés à eux : soit retourner dans leur patrie par des wagons à bestiaux soit obtenir un visa pour quitter la France et s’installer sur un autre territoire. Les procédures pour les visas étaient longues et onéreuses. Sur trente mille personnes, six mille seulement s’en sont sorties.

 d’août 1942 à septembre 1942 : cette dernière période a été marquée par la déportation des Juifs. Des hommes, des femmes et des enfants -le plus jeune avait à peine un an- ont été déportés jour et nuit vers les camps d’Auswitch-Birkenau où ils ont été ensuite triés en deux catégories : les valides, aptes au travail et les invalides, destinés à la chambre à gaz.Retour ligne manuel
Si le Camp des Milles a été un lieu de persécutions successives et croissantes contre des étrangers, des opposants et des Juifs, il a été aussi un lieu d’actions diverses et efficaces de sauvetage et de résistance, y compris par l’art et la création. En effet, en faisant des fouilles, les archéologues ont retrouvé des peintures, des dessins, des graffiti et des poèmes réalisés par les internés, malgré les privations et le manque de moyens. Cette production abondante et variée est due à la présence de nombreux artistes et intellectuels plus ou moins réputés, tels que Max Ernst, Hans Bellmer et Franz Hessel. Ils organisaient de temps en temps des pièces de théâtre pour tromper l’ennui dans une des cellules qu’ils avaient aménagée et qui faisait office de cabaret. L’entrée était payante : il fallait faire du troc, par exemple donner une paillasse, une couverture, des chaussures, ou de la nourriture.

Les conditions de vie étaient déplorables : le camp ne disposait que de cinq latrines et d’une douche située à l’extérieur, les êtres dormaient à même le sol, les plus chanceux avaient une couverture et une paillasse. Ils souffraient du froid en hiver, de la chaleur en été, mais également de la vermine, de la promiscuité et du manque cruel de nourriture. Ils avaient de graves problèmes respiratoires à cause de l’air poussiéreux provenant de l’argile omniprésente et ils mouraient de maladies, comme la dysenterie.

La fin de la visite s’est achevée par un film récapitulant trois génocides du vingtième siècle : le massacre perpétré contre les Arméniens en 1914-1915, celui contre les Juifs en 1939-1945 et celui contre les Tutsis rwandais en 1994.

Cette visite, bouleversante et enrichissante grâce aux explications captivantes des guides, a profondément marqué les esprits des collégiens qui ont pris conscience d’une part des horreurs que peut commettre l’être humain, et d’autre part de l’importance de ne pas oublier ces événements tragiques de la Shoah afin qu’ils ne se reproduisent plus jamais. Par ailleurs, le Camp des Milles est non seulement un lieu de transmission du passé, mais aussi un centre d’enseignement pédagogique qui a pour objectif fondamental de faire vivre les valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité, de justice, de dignité et de laïcité mises en exergue à l’entrée du Site-mémorial. Ce camp n’a pas été un camp d’extermination au bout du chemin de la déportation. Il se trouvait au contraire au début de ce calvaire, là où l’on peut le mieux réfléchir au fait que ce fut dans des lieux ordinaires, avec des hommes ordinaires, à côté du quotidien habitué de nos vies, au bout de la grand-rue d’un village comme un autre, que s’est enclenché l’extraordinaire d’un génocide.Retour ligne manuel
Les adolescents se souviendront désormais des propos d’Alain Chouraqui, le président-fondateur de la Fondation du camp des Milles, issus de la tribune parue dans le Huffington Post le 27 mai 2015 : « Ne rien faire, c’est laisser faire. Chacun peut résister, chacun peut réagir, chacun à sa manière. ».